Une mémoire prodigieuse

Aurélie, sa petite-fille, nous avait avertis : ma grand-mère, qui est âgée de 95 ans, a une mémoire prodigieuse !

Effectivement, la première fois que nous avons rencontré Jeanine pour écrire son récit de vie, nous avons été bluffés par la précision avec laquelle elle nous a décrit les lieux, les personnes, les événements historiques ou familiaux qui ont marqué son enfance, son adolescence et sa vie d’adulte. Lors d’une séance de travail, elle nous a énuméré sans la moindre hésitation les différents mets qui figuraient aux repas de sa communion solennelle, de ses fiançailles et de son mariage. Nous avons pu vérifier ensuite ; rien ne manquait à la liste impressionnante des banquets pantagruéliques d’autrefois. Pas la moindre hésitation sur le nom des convives, encore moins sur les dates. Sauf une fois où elle s’en voulut beaucoup. Elle nous contait une anecdote qui, nous disait-elle, s’était déroulée le 11 avril 1937 avant de taper du poing sur la table et de déclarer : « suis-je bête, ce n’était pas le 11 mais le 10 avril 1937. Comment ai-je pu me tromper à ce point ? Vous voyez, ma mémoire me joue des tours et je n’aime pas cela ».

Nous nous sommes regardés du coin de l’œil, amusés par la véhémence de Jeanine à son encontre mais surtout tellement admiratifs de son incroyable mémoire qui, quoiqu’elle en pense, n’a jamais failli.